Musique: If I die young réinterprétée par Sam Tsui
Ma famille a toujours vécu à Braserio, c'est donc là que je vis le jour. A l'époque, j'étais fils unique (je le suis toujours d'ailleurs...), parfois la compagnie d'un ami me manquait, mes parents, ayant une situation plutôt aisée, se démenaient pour que je sois comblé. Pourtant, ils n'étaient ni militaires de hauts rangs, ni même soigneurs réputés pour recevoir un tel salaire, juste des Pégases sachant réfléchir. Mon enfance se déroula sans accrocs, j'aidais mes parents dès que je le pouvais dans leur travail, entre mes bêtises de jeunot. Souvent, ma mère chantait, je l'imitais constamment. Mon goût musical se développa ainsi rapidement. Puis, très vite, j'appris à voler. Après tout, nous les Séraphins, avons ça dans le sang. Tout se passait paisiblement... Mais un jour, le cours de ma vie changea, laissez-moi vous chanter cette histoire.
If I die young bury me in satin
Si je meurs trop tôt, enveloppe-moi de satin
Lay me down on a bed of roses
Allonge-moi sur un lit de rose
Sink me in the river at dawn
Laisse le courant de la rivière m'amener, à l'aube
Send me away with the words of a love song.
Faites-moi partir avec les mots d'une chanson d'amour.
Mes parents m'avaient inscrit dans un établissement spécialisé pour Pégases. Personnellement j'aurais préféré étudier dans une école où toutes les espèces que comptait Braserio auraient été permises. Mais bon, ma mère avait insisté face à mon père pour que je m'y retrouve. Elle disait que certains Dragons mal intentionnés pouvaient me blesser... Elle n'avait pas si tord que ça. Ils sont grands, costaux, dangereux... Quelques-uns pouvaient aussi être envieux de par la situation financière avantageuse de ma famille. Je comprenais son choix et je le respectais, c'est pourquoi le jour de la rentrée j'affichais un grand sourire avant de m'en aller. Tous les soirs de l'année, je revenais enchanté. Les enseignements que l'on nous fournissait étaient très intéressants, mes camarades et moi y prîmes vite goût. Je ne m'en sortais pas mal pour les applications pratiques à défaut des examens écrits... Pour moi c'était trop de blabla et pas assez de choses concrètes. N’empêche, en très peu de temps, ma classe n'avait formé plus qu'une seule entité. Tout le monde s'entendait bien, il n'y avait jamais de disputes, ou du moins jamais de disputes graves. Tout allait si bien... Mais il y eut ce jour, ce jour si sombre... Un pégase noir, très peu recommandable, s'en était pris à l'un de mes amis. Ses complices huaient celui que j'appréciais et acclamaient le barbare. Je m'étais interposé, faisant face à celui qui martyrisait mon camarade. Il était hors de question que je le laisse le frapper ainsi ! Tous m’avaient regardé, interloqués. J'avais beau être petit, jamais je ne me laisserai impressionner par qui que ce soit. Encore moins par ce vaurien que l'on appelait « le roi ». Paf. Un coup de tête. Seul l'un de mes postérieurs recula, je voulais rester là où j'étais, je le devais, pour mon ami. Malgré le coup, je ne ripostais pas. Inutile de donner une leçon à un Pégase qui ne la comprendrait certainement pas. Bam, un autre. Je résistais. S'ensuivirent une multitude, j'avais beau être sonné, je faisais tout pour ne pas me déplacer. « Hum... Tu ne veux pas partir... ? Voyons si tu vas réussir à encaisser ça ! » Je tombais au sol, un puissant coup de postérieur sur le poitrail suivit d'un moins fort à l'encolure à de quoi vous couper le souffle. Je restais à terre durant de longues minutes... Mon regard passa de cette brute à celui que je tentais de défendre. « Désolé, finalement je n'aurais servi à rien... » Celui-ci me rendit une œillade compatissante avant qu'une vague de fourrure déferle sur celui qui nous tabassait. Les gars... Tous les mâles de ma classe se battaient à présent pour nous, nous n'étions pas que de simples amis, nous étions une famille. Ma vision s'obscurcit soudainement.
Lord make me a rainbow, I'll shine down on my mother
Seigneur, faîtes de moi un arc-en-ciel pour que je puisse briller sur ma mère
She'll know I'm safe with you when she stands under my colors.
Elle saura que je suis en sécurité avec toi quand elle se tiendra sous mes couleurs.
Je restais de longues heures dans cet état de transe, peut-être même des jours... Des mois... ? Je ne savais pas et n'ai jamais su. En tout cas l'endroit où j'étais était sombre, lugubre. Un lieu sans étoiles où mon corps semblait flotter dans le vide absolu. Une image me revint en mémoire : ma mère. Tiens, où est-elle en ce moment ? Pourquoi n'était-elle pas avec moi ? D'ailleurs, pourquoi je ne vois personne ? Jusque-là je n'avais pas réalisé... C'est vrai, le combat dans mon école. Il s'était terminé, tout comme ma propre vie sans doute. Mon esprit se fit une raison, je ne la reverrai jamais plus de près, elle ne me verra plus non plus. Nous ne pourrions plus nous serrer l'un contre l'autre, tout était fini. Si seulement, si seulement je pouvais la protéger d'où l'endroit où je m'en irai. Où qu'elle soit, je veux qu'elle se sente protégée.
Life ain't always what you think it ought to be,
La vie n'est pas toujours comme on voudrait qu'elle soit,
No ain't even grey, but she buries her baby.
Et il ne doit y avoir aucune obscurité, mais elle enterre son bébé.
Un rayon de lumière. Pourquoi je n'en voyais qu'un maintenant ? Alors, c'était donc à ça que ressemblait ce que l'on appelait « paradis » ? J’ouvrais les yeux dans un lieu que je pensais inconnu, avec stupeur je découvrais un paysage pas si étranger que ça... Une chaleur m'enveloppa soudainement, je tentais d'adoucir ma vision encore brouillée. Ce parfum... Mère était non loin moi ! Et... Père aussi. Une éternité me sembla passer avant que je puisse discerner les contours distinctement. Je suis de retour chez moi ? Voyant mon air confus, mes parents m'expliquèrent la situation. Alors comme ça je n'étais pas mort mais simplement dans le comma ? Et mon camarade, qu'en était-il ? Mort... Je t'entais de réprimer un hoquet choqué. Si jeune... Pourquoi avait-il fallu qu'il trépasse ?
The sharp knife of a short life,
La lame d'une vie pas assez longue,
Well, I've had just enough time.
Mais j'ai eu assez de temps.
Cette grande bataille ne m'avait cependant pas laissé indemne. Plusieurs hématomes de dangerosité variable, quelques os rompus, et pas les plus faciles à réparer. De nombreuses touffes de poils s'étaient aussi détachée de ma robe habituellement si jolie, tout comme quelques brins de crins. Plusieurs Pégases avaient sûrement dû me piétiner sans vraiment le souhaiter, tout cet affolement avait certainement été horrible à regarder. Je n'osais pas imaginer tout cela, finalement il y avait peut-être du bon à rester immobilise sur le sol, sans pouvoir entendre, ni sentir la moindre chose. Je soupirais néanmoins. Malgré la joie qui m'animait, je me doutais à la vue de mes parents que ma guérison n'allait pas être des plus simples. Le sort s'acharnait, comme s'il n'était pas déjà assez difficile de surmonter la mort de mon précieux ami.
If I die young bury me in satin
Si je meurs trop tôt, enveloppe-moi de satin
Lay me down on a bed of roses
Allonge-moi sur un lit de rose
Sink me in the river at dawn
Laisse le courant de la rivière m'amener, à l'aube
Send me away with the words of a love song.
Faites-moi partir avec les mots d'une chanson d'amour.
The sharp knife of a short life,
La lame d'une vie pas assez longue,
Well, I've had just enough time.
Mais j'ai eu assez de temps.
Voilà maintenant plusieurs mois que j'étais resté couché, sans vraiment bouger. Ma toilette se faisait dans ma chambre, on m'apportait mes repas, les connaissances se déplaçaient pour me voir et jamais l'inverse... Je commençais à perdre littéralement espoir, à chaque instant il me semblait toucher un peu plus le fond. L'envie de me battre m'avait depuis longtemps quitté, pourtant, j'espérais de tout cœur de ne pas y rester. Je n'avais rien connu des plaisirs de la vie, j'étais trop jeune pour tout laisser en plan comme cela.... Une larme s'écoula le long de ma joue. J'ai tout de même eu une belle vie...
And I'll be wearing white when I come into your kingdom
Lors j'arriverai dans ton royaume je serai vêtu de blanc
I'm as green as the ring on my little cold finger
Je suis aussi pur que mes doigts froids
I've never fell in love with no one
Je ne suis jamais tombé amoureux
But it sure felt nice when I held you in the sun, and you
Mais je suis sûr que je me sentirai aussi bien avec toi, sous le soleil
You took my hand, said you'd love me forever
Tu pris ma main et dis que tu m'aimerais toujours
Who would have thought that forever could be severed.
Qui aurait cru que l'éternité pouvait être rompu.
Avec l'aide des médecins et des soins qu'ils me fournissaient, je pus reprendre pied au fil du temps qui s'écoulait trop lentement à mon goût. Je pensais réellement y passer mais le destin en avait voulu autrement. Une fois complètement rétabli, au prix de multiples rééducations j'entrais dans l'armée. Du moins... Je voulais y entrer, mais comme toujours ma mère faisait obstacle face à la violence. Tout ce que je voulais, c'était rembourser ma dette envers le défunt Pégase. Je ne voulais pas le venger mais simplement débarrasser ce monde des assassins qui le faisait périr à petit feu. Je voulais aussi la protéger, elle, ma mère. Mon père quant à lui semblait ravi de me voir partir, j'avais toujours voulu me dire qu'il était enchanté de me voir servir ma faction plutôt que de penser qu'il ne m'avait jamais aimé... Enfin... La décision concernant mon avenir se prit un soir, autour d'une table. Mon discours avait visiblement été très convaincant puisque les jours suivants, j'arborais fièrement la tenue de combat de Braserio, du moins, la tenue pour jeunes soldats. Je n'étais alors qu'un adolescent comme tous les autres.
By the sharp knife of a short life,
Par la lame d'une vie pas assez longue,
Well, I've had just enough time.
Mais j'ai eu assez de temps.
Les entraînements que l'on nous proposait suscitaient fortement mon intérêt, j'étais bel et bien fait pour ce métier, j'en étais certain. L'année que j'avais passé au camp d'entraînement, je l'avais dédiée à la recherche de mes éléments. Les Pégases ne sont pas tous capables d'en maîtriser, mais moi, il fallait que j’apprenne la magie. Si je voulais rapidement grimper en grade, il fallait que je me démarque... D'ailleurs, en parlant de se démarquer, ma taille de nabot m'avait énormément aidé. J'étais resté petit, tout le monde se foutait de ma gueule à longueur de temps jusqu'au jour où se fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Une puissante énergie m'avait envahi alors qu'un camarade de promotion m'avait manqué une fois de plus de respect. Rapidement, il se retrouva au sol, tout comme les autres créatures environnantes. Je n'étais plus que le seul sur patte. Plus personne ne bougeait, tous geignaient. La plupart me regardaient avec des yeux écarquillés, je compris à ce moment-là que l'auteur de ce sort n'était personne d'autre que moi. A mesure que le temps avançait, les corps misérables s'enfonçaient un peu plus dans la terre, et particulièrement celui qui se trouvait en face de moi. « C'est qui le mioche maintenant ? » Doucement, mon esprit calme reprit le dessus, annulant ainsi la gravité qui s'était abattue plus tôt. L'aube suivante, je m’exerçais à la pratique de ce nouveau pouvoir, rien, le néant. C'était donc ça une furie... ? Mon temps libre, je le consacrais à l'amélioration de cette technique que je nommais " pain ", un nom selon moi bien approprié : la douleur avait été telle que les visages des créatures s'étaient déformées. Avec l’acquisition de ce don et la fin de mon apprentissage je passais rapidement au poste de Lieutenant. Mais cette promotion n'était pas sans risque.
Whoa
If I die young
Si je meurs trop tôt
Quelque temps après ma nomination, une vague ennemie s'était déferlée sur notre capitale. Je devais bien entendu la défendre, à quoi auraient servi toutes ces années ? Les combats étaient tous d'une rage et d'une violence à vous en glacer le sang. Ma peur de la mort, que j'avais développée durant ma convalescence, me prit en voyant tous ces cadavres joncher le sol au fur et à mensure que le temps s'écoulait. Arroche-toi mon vieux, pour ta famille. Le raid ennemi s'étendait sur plusieurs journées, au fond de moi, je priais pour que tout se passe bien. Au prix d'une longue lutte acharnée, le Royaume repoussa ses envahisseurs. Nous avions gagné, alors pourquoi je n'étais pas heureux ? Je pensais, oui, je pensais à tous ces soldats morts pour leur patrie... Ne pouvant me résoudre à revivre une nouvelle fois une telle boucherie, je partais. L'armée et le combat au front n'étaient finalement peut-être pas fait pour un Pégase comme moi.
A penny for my thoughts, oh no I'll sell them for a dollar
Un centime pour mes pensée, oh non je vais les vendre pour un dollar
They're worth so much more after I'm a goner
Elles valent bien plus car après tout je suis un tabou
And maybe then you'll hear the words I been singin'
Et peut-être que vous entendrez les mots que j'ai chanté
Funny when you're dead how people start listenin'.
C'est drôle comme les autres s'y intéressent qu'après votre départ.
Ma marche se faisait lourde, mettre un sabot devant l'autre était devenu une corvée pénible. Je ne m'étais pas contenté de fuir l'armée, fuir Braserio et ses alentours m'avaient semblé aussi une bonne idée... Je m'étais retrouvé dans le désert. En fin de compte, c'était plus débile qu'autre chose. Je soupirais. J'avais vécu tellement de choses... Un père vous reniant, la mort d'un camarade de classe et maintenant, un exil. C'était échecs sur échecs, pourtant une infime partie de mon être combattait encore. M'entraîner encore et toujours, devenir plus fort, ne plus être effrayé par les coups et blessures, accroître mes connaissances... Voilà ce qu'il me fallait ! Non... Après avoir abandonné Braserio de la sorte, il ferait de même en me voyant revenir comme une fleur... Et si... Et s'ils croyaient tous à mon trépas ? Je ne savais pas, la seule affaire qui n’importait à présent c'était survivre dans ces lieux arides. Par chance, ma route avait croisé celle d'un autre : un Pégase d'un âge respectable, ancien combattant à la retraite. Sans lui, je serais déjà mort à l'heure qu'il est. Les trois année suivantes, je les passais en sa compagnie. Il m'enseigna son savoir. Ses entraînements furent difficiles, néanmoins je ne voulais pas rendre l'âme avant d'avoir pu m'excuser auprès de tous.
If I die young bury me in satin
Si je meurs trop tôt, enveloppe-moi de satin
Lay me down on a bed of roses
Allonge-moi sur un lit de rose
Sink me in the river at dawn
Laisse le courant de la rivière m'amener, à l'aube
Send me away with the words of a love song.
Faites-moi partir avec les mots d'une chanson d'amour.
Je respirai à plein poumon. C'était si agréable de sentir cet air si familier... Ah, Braserio, me revoilà. A mon arrivée, je me dirigeais immédiatement vers des garde, vêtu d'un châle beige que mon maître m'avait offert pour mon départ. Ils me regardèrent, les yeux écarquillés, m'avaient-ils reconnu ? Certainement. A ma demande, ils me conduisirent au quartier général des armées. Pourquoi ne pas y être allé seul, connaissant parfaitement le chemin ? Pour montrer que je n'étais plus celui d'avant, mon destin m'avait fait arrêter l'armée, je n'étais à présent que simple citoyen. Certain m’accueillirent les pattes ouvertes, visiblement heureux de me savoir en vie tandis que d'autres me huaient, crachaient sur mon passage tout en me traitant de lâche. Une longue conversation démarra par la suite avec ceux qui avaient été mes supérieurs. Compréhensif. C'était le seul mot qui m'était venu à l'esprit pour les décrire. Tous avaient écouté mon histoire et me pardonnèrent bien facilement à condition de les rejoindre à nouveau. Évidemment. Je redémarrais une fois de plus en bas de l'échelle. Une guerre éclata de nouveau, c'était un test ? Je préférais le prendre de la sorte. Durant l'affrontement, les enseignements de mon maître me furent extrêmement utiles, je les appliquais à la lettre, me concentrant à la fois sur les combats physiques et mentaux. Il m'arrivait parfois d'aller prêter sabot fort aux organisateurs, je leur confiais mes idées, à nous tous nous étions parvenu à faire reculer la menace. L'attaque repoussée, les créatures aux grades supérieurs me firent l'honneur de les rejoindre. J'avais aussi pu revoir ma famille... Je me sentais libéré d'un poids qui pesait lourd sur mes épaules depuis bien des années, je pouvais à présent voler de mes propres ailes. C'était un nouveau départ.
The ballad of a dove
Tel une colombe
Go with peace and love
Envole-toi avec de l'amour et de la paix
Gather up your tears, keep 'em in your pocket
Surtout ne verse aucune larme
Save them for a time when you're really gonna need 'em, oh...
Attends le moment où tu en auras le plus besoin, oh...
Pour le moment je ne suis pas encore mort. A mon sens, rien ne sert à pleurer avant l'heure, il faut se réserver pour le moment venu. Même si la mort m'a appelée d'innombrable fois, je reste bel et bien en vie, et cette vie, je compte la finir en paix.
The sharp knife of a short life...
La lame d'une vie pas assez longue...