Nuage de Pluie - Apprentie - Clan de la Brume

Histoire

- « Dépêches-toi Pelage Sombre, on a pas de temps à perdre! »
- « C'est de la folie, on devrait rentrer au camp tout de suite, avant d'être surpris par la neige. »

La femelle au pelage clair cracha avec colère et reprit la boule de poil gris cendré qu'elle avait posé sur une pierre, laissant son compagnon prendre une femelle plus petite dans sa gueule pour la suivre. Plume d'Aigle, la femelle, avait mis au monde trois petits dont l'un était déjà mort de faim et de froid. Elle l'avait abandonné au camp pour qu'il soit enterré, mais elle avait fuit avec les deux autres pour les mettre à l'abri chez des bipèdes. Elle avait déjà remarqué plusieurs fois qu'ils semblaient l'aimer et elle y amenait les petits pour qu'ils aient une meilleure vie, avec de la nourriture à profusion et cette espèce de rocher moelleux qu'ils appelaient « coussin ».

Le chat qui l'accompagnait, Pelage Sombre, n'était pas le père de ses chatons, mais c'était son compagnon actuel n'en déplaise à Patte Cendrée qui avait donné sa couleur sombre à son fils tandis qu'elle transmettait son pelage à leur fille. Elle avait nommé les survivant Petit Merle et Petite Pluie. Le chaton mort de froid se serait appelé Petit Papillon s'il avait vécu, mais la chatte cligna des yeux pour chasser l'image du chaton gris qui ne s'était jamais réveillé pour téter. Elle avait compris en voyant son petit corps froid que le clan n'étais pas assez fort pour sauver ses bébés et elle avait supplié Pelage Sombre de l'accompagner chez les plus proches bipèdes pour sauver ses petits, lui promettant une vie merveilleuse à deux, à chasser clandestinement sur le territoire du clan. Il avait refusé de quitter le clan, mais lui avait promis son aide et là, il portait Petite Pluie dans sa gueule, ronronnant pour rassurer le chaton apeuré par le voyage.

- « Plume d'Aigle !! Reviens ici, mais qu'est-ce qui te prend?!? »

La chatte se tapit au sol, oreilles arrière et pupille dilatée en reconnaissant la voix de son ancien compagnon. Elle avait volé des chatons, même si c'était les siens et elle risquait gros s'il l’attrapait, d'autant qu'elle avait mentit à Pelage Sombre en prétendant que le père était au courant pour leur fuite. Sans plus réfléchir, elle fonça droit vers la palissade, abandonnant sa fille dans la gueule du guerrier penaud qui la déposa en se demandant pourquoi le père des chatons semblait si en colère. Elle la franchit d'un bond et les cris de bagarre entre un chat et un chien furent la dernière chose qu'ils entendirent à propos de Plume D'Aigle et de son Petit Merle.

Pelage Sombre, fou de douleur se laissa choir au sol alors que Patte Cendrée attrapait sa fille pour la nettoyer vigoureusement de la terre accrochée à son pelage. Les deux guerriers rentrèrent au camp avec le chaton miaulant pitoyablement d'être, une fois de plus, ballotté dans tous les sens.

                                                                                   

- « Dépêches-toi Pelage Sombre, on a pas de temps à perdre! »

Je me réveillais en sursaut une fois de plus. Cette fichue voix, accompagnée uniquement par un paysage flou qui me glaçait le sang et un sentiment de danger permanent qui me suivait dans une espèce de folle course-poursuite. Je me sentais toujours mal que cette inconnue donne un ordre à Pelage Sombre qui devait être le guerrier le plus doux et le plus serviable que je connaisse. Je me sentais aussi mal d'avoir l'impression que j'étais moi-même Pelage Sombre, parce que je devinais les formes de sa tête tournée vers moi à chaque fois qu'elle feulait un ordre.

Je soupirais et me levais pour sortir de la pouponnière où régnait une chaleur presque étouffante alors que l'air frais du matin était beaucoup agréable. Je vivais encore à la pouponnière avec ma mère de substitution qui était resté là un moment pour moi. J'avais une lune de moins que mon frère et ma sœur qui avaient déjà rejoint la tanière des apprentis et je savais que ce serait bientôt mon tour, même si je ne savais pas encore qui était mon mentor.

J'avais passé presque 6 lunes ici à la pouponnière à jouer avec des chatons à peine plus vieux ou plus jeunes que moi, recevant de temps à autre la visite de mon père et restant presque toujours auprès de la chatte qui m'avait nourrie quand je n'écoutais pas les anciens raconter les histoires de leur jeune temps. Cependant, j'étais persuadée que ce soir, je recevrais mon nom d'apprentie, Nuage de Pluie, que j'entrerais enfin dans la tanière des apprentis et que j'apprendrais à servir mon clan pour une vie entière. J'allais pouvoir m'occuper des anciens pour les remercier de toutes leurs histoires et pour la vérité qu'ils m'avaient fait découvrir, un peu malgré eux.

Je savais bien que la chatte qui s'était occupée de moi ne pouvait pas être ma mère à cause de la couleur de mes poils qui était trop différent, trop claire par rapport à leur poils brun moucheté de noir, mais c'était les anciens qui me l'avaient confirmés. J'avais demandé à mon père l'histoire, mais il était resté assez taciturne à ce sujet, tout comme Pelage Sombre qui avait tout de même consentit à m'expliquer que ma mère souhaitait m'éloigner pour mon propre bien. J'avais accepté la réalité et ignoré l'éclair de douleur qui avait traversé les yeux jaunes du matou en me disant que j'avais le clan et mon père, que c'était suffisant. Je suis heureuse de vivre ici, même si j'ai compris que parfois, les temps sont durs. C'est pour ça que je veux les aider au mieux, que je vais m'entraîner le double du nécessaire pour être une bonne guerrière et ramener du gibier.

Mes oreilles s'agitent alors que celle que j'appelle ma mère sort de la pouponnière avec un air empli de fierté et de malice pour s'asseoir à côté de moi et me passer à la toilette de rigueur. Je préfère la laisser faire et être patiente et docile plutôt que de me présenter avec des poils drus et hirsute face à mon mentor, quel qu'il soit. Je serais fière d'être l'apprentie de chacun d'entre eux car nous n'avons que des guerriers braves et fidèles au clan. Mon cœur bat la chamade et pendant un instant, je reste tétanisée, paralysée par la peur qui me ronge le cœur et les muscles, jusqu'à sentir un frôlement et entendre le ronronnement familier de mon père à mes côtés. Je me ressaisis et attendant sagement d'être appelée par mon chef Étoile des Marées dont la prestance n'a d'égal que son courage.

J'entends mon nom et m'avance avec humilité vers mon chef, ne tenant plus le suspense de connaître le nom de mon mentor. Ce chat dont je lécherais l'épaule pour lui montrer que je me plaçais en tant qu'apprenti alors qu'il m'enseignerait jour après jour à devenir un meilleur chat, à respecter nos ancêtres, nos traditions, nos besoins…
Ma vie de chat de clan commençait enfin…